Dispute territoriale

Une dispute territoriale est un désaccord sur l’appartenance d’un territoire ou d’une portion de territoire. Au sens strict, elle peut concerner plusieurs types d’entités territoriales : des Etats, mais aussi les subdivisions territoriales (« régions ») de ces derniers qui, le cas échéant, peuvent être en désaccord sur leur délimitation commune. La focalisation sur les rapports de force économiques a dévalué l’importance accordée à ces disputes territoriales qui paraissent emblématiques de rivalités de pouvoir « à l’ancienne ». Néanmoins, on aurait tort de considérer la question comme définitivement obsolète – à l’image de la question des territoires palestiniens occupés par Israël depuis 1967 et dont le statut et les frontières sont un des enjeux centraux de ce conflit.
Les disputes territoriales entre Etats ont généré, et causent encore, de nombreux «conflits», sans être une cause exclusive de ceux-ci. L’Europe a été particulièrement concernée par des guerres largement dues à la volonté des Etats de constituer des territoires aussi vastes que possible dans la mesure où l’étendue du territoire a longtemps été perçue comme source fondamentale de la puissance. Plus précisément, les disputes territoriales ont longtemps eu comme enjeu les «ressources» naturelles et minières (Haute-Silésie disputée entre Pologne et Allemagne en 1918-19), ou la possession de littoraux (Grèce/Bulgarie, Bolivie/Chili, Russie/Ukraine, etc.). L’irrédentisme – revendication de territoires par un Etat sur une base nationale, ethnique ou religieuse – a été une autre cause de litiges dans la mesure où les peuples étant spatialement imbriqués, la réunion de tous les membres d’une nation dans un Etat impliquait l’apparition de minorités et donc des contentieux (minorités Russes consécutives à la dislocation de l’Union soviétique en 1991).
Les disputes territoriales peuvent générer une conflictualité variable allant de la non-reconnaissance du tracé précis de la frontière à la guerre ouverte. Les disputes les plus simples concernent la position précise d’une dyade – « tronçon de frontière commun à deux Etats » (Foucher, 1991) et notamment le bornage de celle-ci (installation de bornes). Ce type de litige n’implique que deux Etats (Erythrée/Ethiopie, Venezuela/Guyana, etc.), les cas plus complexes peuvent en concerner trois ou plus. Ainsi, création d’un Kurdistan indépendant impliquerait au moins quatre Etats du Proche et Moyen-Orient. Il est relativement difficile de dresser la liste de l’ensemble des contentieux territoriaux entre Etats, mais près d’une centaine de dyades restent plus ou moins gravement contestées sur la planète – ce chiffre exclut les frontières strictement maritimes, mais intègre les îles disputées et ne tient compte que des désaccords entre Etats reconnus par la communauté internationale. On le voit, le nombre des litiges est loin d’être négligeable.
L’interdiction du recours à la force constitue un principe essentiel de l’ordre juridique international contemporain. L’article 2 §4 du chapitre 1 de la Charte des Nations Unies stipule ainsi que les « membres de l’Organisation s’abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l’emploi de la force, soit contre l’intégrité territoriale ou l’indépendance politique de tout État (…) ». Les Nations Unies proscrivent l’usage de la force et les annexions unilatérales. L’occupation militaire de territoires s’en trouve prohibée. Ainsi, la résolution 242 (1967) de l’ONU sur l’occupation militaire des territoires palestiniens par Israël souligne « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre ». Il en résulte une obligation pour les Etats de régler leurs différends par la seule voie pacifique, ce qui est notamment le cas en matière de dispute territoriale. Depuis 1946, la Cour Internationale de Justice de La Haye est chargée de trancher dans les litiges entre les Etats, et notamment les litiges sur les frontières terrestres et maritimes. Aujourd’hui, outre Israël et Palestine, les principales disputes territoriales concernent le Cachemire (Inde/Pakistan) et le Sahara occidental ; les îles ne sont pas épargnées comme celles de la mer de Chine méridionale peu ou prou revendiquées par sept Etats. Les disputes territoriales aujourd’hui les plus nombreuses concernent les étendues maritimes. En effet, l’entrée en vigueur de la Convention de Montego Bay a généré l’extension des eaux territoriales jusqu’à 12 milles nautiques des côtes et la création des zones économiques exclusives (ZEE) jusqu’à 200 milles nautiques. Cette extension a multiplié les sources de disputes (Rosière, 2007).
Enfin, on ne doit pas oublier que les disputes territoriales concernent aussi les entités constitutives des Etats à propos de leur délimitation. Ce type de situation caractérise plutôt les Etats fédérés dans les fédérations : détail de la frontière Flandre/Wallonie en Belgique, Labrador disputé entre le Québec et Terre-neuve au Canada, etc. Le cas échéant, on trouve des revendications entre des régions constitutives d’Etats plus centralisés. Ainsi, en France la revendication d’un département basque, la demande de rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne relèvent de ces logiques qui soulignent que l’attachement au territoire, et le conflit pour ceux-ci, reste une des clés de la territorialité.

 

-FOUCHER Michel, (1991), Fronts et frontières, un tour du monde géopolitique, Fayard, 527 p. (2e édition).
-ROSIERE Stéphane (2007), Géographie politique et géopolitique. Une grammaire de l'espace politique, Ellipses, 2e édition.