Géosystème
Le géosystème est un concept permettant d’analyser les combinaisons dynamiques de facteurs biotiques, abiotiques et anthropiques associés à un territoire. S’inscrivant dans une démarche systémique, il est utilisé en géographie pour étudier les interactions nature-sociétés dans une dimension à la fois temporelle et spatiale.
Il doit beaucoup à l’approche écosystémique qui a été développée dans les années 1930 par l’écologie scientifique et qui porte principalement sur les relations entre les espèces vivantes et leur biotope. Mais il en diffère par la prise en compte d’une «échelle» spatiale plus vaste puisqu’il permet d’étudier l’espace géographique à l’échelle des sous-ensembles régionaux. En conséquence, il intègre aussi des facteurs plus diversifiés, parmi lesquels l’action de l’homme, ainsi qu’une échelle de temps plus large.
En tant qu’outil conceptuel, le géosystème est apparu dans les années 1960 en Union soviétique à la faveur de la mise en valeur de vastes espaces faiblement peuplés. Formalisé par Viktor Borisovitch Sochava, il suppose une approche centrée sur les «flux» d’énergie et de matière, vivante ou minérale. Par l’analyse de relevés stationnels et leur mise en corrélation, le géosystème permet d’approcher un milieu sous trois angles complémentaires : dans sa structure spatiale, à la fois horizontale et verticale, dans son fonctionnement et dans ses changements d’états. Il a notamment été mis en œuvre par Nicolaï Béroutchachvili dans le Caucase.
Le concept a été introduit en France par Georges Bertrand à la fin des années 1960 dans le cadre d’une démarche de reconstruction de la géographie physique. Il permettait en effet de dépasser le cloisonnement interne à la géographie physique par l’analyse des «interactions» entre données géomorphologiques, climatologiques, hydrologiques, biogéographiques et pédologiques. De plus, par sa dimension systémique il ouvrait aussi la voie à la prise en compte d’un facteur d’évolution jusque là négligé : l’action anthropique, tant passée qu’actuelle (Fig. 1). Il s’inscrivait donc en rupture par rapport aux études des milieux pratiquées en géographie à cette période. En effet, si initialement le concept de milieu a permis d’approcher de façon globale la relation entre les hommes et leur lieu de vie, il a par la suite ouvert la voie à des études ne prenant en compte que les composantes bio-physiques considérées pour elles-mêmes.
Dès son origine, le géosystème est étroitement lié à la notion de paysage aussi bien dans la « science du paysage» russe que dans la démarche de Georges Bertrand. Dans son article fondateur publié en 1968 dans la Revue géographique des Pyrénées et du Sud-Ouest « Paysage et géographie physique globale », il présente en effet le géosystème comme un outil de refondation de l’approche géographique des paysages. Par la suite, avec l’émergence de l’«environnement» comme question sociale, le géosystème est aussi associé au concept de territoire dans une volonté d’inscrire l’approche des milieux dans une dimension à la fois sociale et territorialisée.
Cette évolution est formalisée par Georges Bertrand en 1991 à travers le « GTP : géosystème, territoire, paysage ». Poursuivant un objectif d’approche de l’environnement dans sa complexité et sa diversité, il propose par ce système conceptuel une relance de la recherche sur des bases multidimensionnelles. Dans cette combinaison, le géosystème s’inscrit à l’interface entre nature et sociétés en permettant de penser la dimension naturaliste et matérielle de l’environnement dans une perspective sociale. Il est complété par des approches plus sociales et culturelles grâce aux concepts de territoire et de paysage.
Par une quantification de paramètres très divers, l’analyse géosystémique permet la mise en évidence d’interactions entre facteurs ainsi que les «dynamiques» à l’œuvre. Elle permet aussi d’identifier à l’intérieur d’un même géosystème des sous-ensembles emboîtés (Fig. 2 et 3) dont l’évolution conditionne la dynamique globale : les géofaciès et les géotopes. Les premiers correspondent à des ensembles spatiaux physionomiquement et fonctionnellement homogènes de quelques centaines de mètres carrés : par exemple, si un versant correspond à un géosystème, les diverses unités paysagères qui le constituent peuvent être considérées comme des géofaciès. Les seconds sont de toutes petites unités spatiales de quelques mètres carré, comme un talus ou un creux humide au sein d’une des unités du versant.
Mais les applications rigoureuses de la démarche étant contraignantes à mettre en œuvre, le concept tend à devenir une façon de penser l’articulation entre nature et sociétés plus qu’un outil d’analyse. Sous cette forme il se diffuse et se banalise dans des applications très diverses, mais parfois de façon déviante par rapport au concept initial.
Dans l’esprit du géosystème, un autre concept est actuellement proposé, celui d’«anthroposystème». Visant également à prendre en compte les interactions entre «systèmes» naturels et sociaux dans la durée, il s’en démarque par une approche plus résolument centrée sur les sociétés humaines.
voir aussi: anthropisation
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