Champ urbain
Le concept de champ urbain emprunte la première partie de son expression au magnétisme ou à la gravitation désigne un espace géographique structuré par la présence d’une ville. Cette métaphore identifie une structure spatiale faite d’un ensemble de valeurs décroissantes allant du centre de la ville vers la périphérie : cette structure résume par exemple la configuration des densités de population ou de surface bâtie, des prix fonciers, des flux de déplacements. Elle représente aussi le potentiel de développement, de valorisation foncière et d’innovation suscité par l’attractivité de la ville dans ce qui constitue sa zone d’influence.
L’intensité du champ urbain et son extension peuvent être calculées et résumées par un modèle de structure spatiale qui sous sa forme la plus simple (voir document joint) est un cône dont les bords sont concaves vers l’extérieur (cône hyperbolique). Ce modèle attribue à tout point de l’espace une valeur qui dépend de la valeur existant au centre et d’un gradient, selon des fonctions décroissantes de la distance (fonctions puissance ou exponentielle négatives de la distance). Le champ peut prendre une apparence plus complexe que cette forme géométrique simple, comportant plusieurs cônes lorsque la ville intègre des centres secondaires (schéma polycentrique), ou bien lorsque la distance physique est remplacée par des mesures de l’accessibilité en chaque lieu : des inversions peuvent alors se produire entre des lieux externes mieux desservis et des points internes d’accès plus difficile.
Cette forme spécifique de la polarisation de l’espace par un centre créateur d’un fort différentiel entre centre et périphérie renvoie à des théories sociales de la rente urbaine, elle a pu être approchée aussi par des modèles fractals de structure ou de croissance des villes. Elle se manifeste plus systématiquement par des gradients forts dans les régions urbaines anciennes et très peuplées (en Europe, en Asie) alors que les zones urbanisées plus tardivement ont plus souvent des structures polycentriques.
L’expression de « urban field » a été proposée pour la première fois en 1947 dans un article de A.E. Smailes dans la revue Geography, mais cette notion de champ urbain avait été aperçue bien auparavant et décrite par des métaphores différentes, que l’on songe à celle, organiciste, du recueil de poèmes « Les villes tentaculaires » publié en 1895 par Emile Verhaeren, ou à celle déjà empreinte de physique relativiste sous forme de cette « courbure de l’espace » qu’imaginait Jean Reynaud dès 1841 dans son article « Villes » de l’Encyclopédie nouvelle. Quelle qu’en soit l’expression, le concept renvoie à la valorisation inégale des lieux selon les avantages de localisation qu’ils procurent par rapport au potentiel d’interaction sociale que représentent la ville et sa centralité. En conséquence, l’expression de « champ urbain » est parfois employée, plus récemment, pour désigner les jeux d’acteurs qui s’impliquent tout particulièrement dans cette sphère de vive concurrence pour l’espace et les conflits de son utilisation. Dans un sens encore plus banal, l’expression de champ urbain désigne parfois tout simplement le thème des études scientifiques de la ville.
La signification de l’expression que nous avons retenue plus haut est plus spécifique et plus riche que celle proposée et souvent reprise pour le concept d’« urban field », qui fut construit par les urbanistes J. Friedman et J. Miller (J. Friedmann, J. Miller, « The urban fields », Journal of the American Institute of Planners, 31, 312-320) en 1965 pour désigner les premiers développements urbains débordant les aires métropolitaines en Californie dans un rayon d’environ deux heures de voiture, et qui préfiguraient l’extrême étalement urbain (urban sprawl) aux Etats-Unis.