Circonscription
Le nom circonscription vient du Latin circumscriptio qui signifie cercle tracé, et qui sous-entend le tracé autour d’un objet. Le mot désigne, à la Renaissance, ce qui délimite l’étendue d’un objet et il semble principalement être employé en géométrie lors de l’action qui consiste à circonscrire une figure dans une autre. Comme l’écrit Furetière à la fin du XVIIIe siècle, c’est « descrire une figure polygone autour d’un cercle, en telle sorte que tous ses costés touchent sa circonférence ». Autrement dit, ce premier sens se rapproche de celui de limite.
Ce sens s’enrichit ensuite grâce au sens abstrait de « définir une limite ». Madame de Staël (De l’Allemagne) traite ainsi de défauts servant de circonscription à des qualités. Dès lors, la circonscription est une propriété de plus en plus inséparable de l’étendue des corps qu’elle contient. C’est dans ce sens que le mot est employé, à la fin du XVIIIe siècle, à propos des divisions territoriales : l’assemblée constituante française substituant les circonscriptions par départements aux circonscriptions par provinces. C’est en effet au moment de la Révolution française que se met en place le système hiérarchique de circonscriptions gigognes qui contient les sections de communes, les communes, les cantons, les districts et les départements. Les différents aménagements du système verront soit la disparition de certaines mailles (le district), soit la création de nouvelles mailles (arrondissements (an VIII) et régions (1955)), soit enfin des redécoupages n’affectant qu’un niveau (réunions ou annexions de communes tout au long de la période, réforme des arrondissements [-2/5e] 1926). On assiste depuis une quarantaine d’années à un renouvellement des circonscriptions dont on fait varier les périmètres et les prérogatives en les limitant souvent à des projets strictement limités. Les propositions les plus récentes sont à rechercher du côté de la politique des pays et des agglomérations.
Avec la Révolution, le terme s’applique non seulement aux territoires administratifs, mais encore aux territoires judiciaires et électoraux ; la mise en place d’un maillage unifié du territoire permet ce glissement, ainsi que l’apparition du terme « circonscription électorale » promis à un bel avenir. Les usages actuels du mot circonscription se cantonnent cependant principalement à cette dernière acception, même si le mot est employé de façon limitée dans le cadre des divisions territoriales de l’éducation nationale, et plus rarement dans celles des Chambres de Commerce et d’Industrie. Le plus souvent aujourd’hui des expressions comme « circonscription cantonale » sont abandonnées au profit du mot « canton ». Notons cependant une survivance dans l’expression « circonscription d’action régionale (1960) ».
Dans le cadre de la géographie, le mot est longtemps resté inemployé. Le Dictionnaire de géographie de Demangeon (1907) n’en offre aucune définition. Le compte-rendu (1908) que Lucien Febvre fait de la carte des bailliages, dressée par Armand Brette affirme sur ce point :« Administration et géographie font deux ». Il est nécessaire de relativiser cette critique en insistant sur l’idée que la circonscription a longtemps été le cadre de la description géographique, tant au XVIIIe qu’au XIXe siècle. C’est le rejet des découpages administratifs décrits comme artificiels par les Vidaliens qui déconnecte la géographie — devenue universitaire — des circonscriptions au profit de contrées “naturelles”. Même chez Siegfried, dans son Tableau politique de la France de l’Ouest (1913) le mot n’apparaît que très rarement. La circonscription supporte d’ailleurs les mêmes critiques que chez Vidal de la Blache.
Dans les années 1940, le terme est utilisé, en dehors de la géographie universitaire, dans le cadre d’ouvrages renvoyant à la “géographie administrative” et dont l’objectif est de proposer la mise en place des circonscriptions régionales. Le retour en grâce de la circonscription dans la géographie est très tardif, et ne s’appuie, généralement que sur deux de ses fonctions : son rôle dans les recensements, qui en fait le réceptacle d’informations statistiques utiles aux analyses quantitatives et son rôle de cadre du processus électoral. Cette conception restreinte, explique en partie que dans la géographie politique française actuelle on n’insiste que très peu sur la production des circonscriptions électorales, en se limitant à l’exploitation des résultats des élections. L’étude du gerrymandering reste donc nettement moins développée en France qu’aux Etats-Unis.
L’évolution de la signification du mot est donc un phénomène d’inversion. Insistant d’abord sur la limite, elle passe à l’idée de contenu limité pour se restreindre le plus souvent aujourd’hui à un contenu.
Voir aussi : «pays», «région», «territoire»