Parce qu’elle est pertinente, précise et simple, il est légitime de partir de la définition de Max Sorre, très légèrement modifiée : «
Le climat (d’une portion d’espace ou d’un lieu) est l’ambiance atmosphérique constituée par la série des états de l’atmosphère (au-dessus de cet espace) dans leur succession habituelle ».Sorre M 1934 (Dans l’introduction du T2 de Piéry.M 1934 dir. de :Traité de climatologie biologique et médicale 3 Vol).
-Une notion de base : l’état de l’atmosphère
La définition proposée fait à juste titre une place essentielle à l’état de l’atmosphère, une notion qui fait référence à une réalité synthétique et éphémère, deux caractères qui découlent de son utilité mais qui posent des problèmes méthodologiques dans la construction de l’étude des climats.
L’état de l’atmosphère est une réalité synthétique, dans la mesure où cet état présente des aspects multiples, coordonnées et simultanés mais distincts, tels que température, humidité, présence ou absence de météores, comme les précipitations, variant selon la forme et la quantité, les nuages, les niveaux de la radiation solaire ; pour ne citer que les éléments essentiels. Ces éléments apparaissent ensemble, sont souvent liés par des relations de cause à effet, sont perçus comme des ensembles, et ont des effets communs sur les caractères de l’espace.
L’état de l’atmosphère est une réalité éphémère ; strictement, chacun d’eux ne dure qu’un instant ; le temps qu’il fait, est une combinaison qui ne garde suffisamment de caractères observables pour servir à une définition que pendant quelques minutes, quelques secondes parfois, très rarement une heure.
Incidemment : La dépendance sous laquelle l’état de l’atmosphère se trouve par rapport à l’écoulement chronologique fait que, en français, il n’y a qu’un mot pour désigner deux réalités différentes : ce que l’anglais appelle time, le temps en général, catégorie de la pensée et/ou mode d’existence de l’être, et ce qu’il appelle weather, le temps météorologique. Une ambiguïté gênante pour qui écrit en français sur le climat. Parmi d’autres solutions possibles nous adopterons ici celle qui consiste à réserver le mot « temps » à ce qu’on peut aussi appeler le « temps-weather ou le « temps météorologique », et à employer « durée » pour la catégorie générale. Ce n’est pas tout à fait la même chose que le temps, mais la solution est commode.
Ce caractère éphémère des états de l’atmosphère fait que le climat, dans la définition que nous en avons donnée, n’est pas une réalité visible, à la différence de bien des réalités dont s’occupe la géographie, comme le relief ou les habitats des hommes ou les lieux de production ; il est d’abord une construction, résultat d’un travail d’abstraction. Seuls sont visibles des phénomènes qui sont directement influencés par le climat comme avant tout le couvert végétal.
Le travail d’abstraction nécessaire est facilité par le fait que le temps obéit à des règles générales, la plus importante étant le rôle essentiel de deux cycles, commandés par des facteurs cosmiques, le cycle diurne et le cycle annuel. Ces cycles se présentent comme des successions de périodes caractérisables, avec des oppositions d’extrêmes, comme celles du jour et de la nuit, de l’été et de l’hiver. Dans le cycle annuel, il est souvent possible d’identifier des périodes relativement homogènes, les « saisons » dont le nombre et le découpage varient selon les climats. On ajoute souvent une à l’identification de deux saisons extrêmes, l’hiver et l’été celle des deux saisons intermédiaires. Ce rythme à quatre saisons n’est pas partout pertinent pour la description des climats.
-Le rôle de la mesure. Contradictions.
Ce travail d’abstraction nécessaire pour la définition même du climat, est généralement appuyé sur la mesure ; elle permet d’entrée de jeu de préciser la définition de états de l’atmosphère, donc de leurs « séries » caractéristiques, de les classer et de les comparer et aussi, bien sûr, de cartographier. C’est le plus souvent à l’aide de mesures que l’on peut définir les grandes tendances, les successions qui sont « habituelles ».
Il y a une certaine contradiction entre la nécessité de conserver le caractère synthétique du climat et les contraintes de la mesure. Celle-ci, en effet, suppose une procédure analytique pour quantifier les grandeurs qui caractérisent l’état de l’atmosphère – elles sont couramment qualifiées « d’éléments du climat ». En effet ces grandeurs climatiques ont des natures physiques différentes, et donc se mesurent avec des appareils différents, utilisent des échelles numériques différentes ( par exemple,
échelle de rapport pour les quantités de précipitations, échelle d’intervalle pour les températures, échelle vectorielle pour le vent qui a une vitesse et une direction). En conséquence, les traitements statistiques sont différents : pour caractériser une journée, on peut faire la somme des hauteurs d’eau relevées toutes les trois heures dans le pluviomètre, mais on ne peut que faire la moyenne des températures : en effet, les hauteurs d’eau sont une grandeur mesurable, ce n’est pas le cas de la température, qui est une grandeur repérable. La somme de deux températures n’a pas de sens physique, à la différence de ce qui se passe pour les hauteurs d’eau. Pour le vent, ni les sommes ni les moyennes ne sont utilisables, on doit avoir recours aux fréquences.
Il est donc nécessaire de retrouver le caractère synthétique du climat en utilisant différentes méthodes de recomposition pour lesquelles beaucoup d’ingéniosité a été déployée. On peut distinguer trois cheminements possibles :
La juxtaposition. Celle de tableaux ou de cartes concernant des grandeurs climatiques différentes pour un même espace et une même période. Cette technique, bien que très pratiquée dans les guides touristiques, et malheureusement, dans des travaux de géographie, ne retrouve guère les caractères synthétiques du climat ; elle relève de ce que l’on appelle la climatologie analytique ; son intérêt est limité.
Les calculs d’indices. Certaines associations de caractères du climat sont particulièrement significatives, comme par exemple celle des températures et des précipitations, ou des températures et de l’humidité. Les conséquences de la première de ces associations sur la végétation sont fondamentales pour la vie des plantes, celles de la seconde pour la physiologie des animaux, et des humains.
Les auteurs ont fait preuve de beaucoup d’imagination pour la construction de ces indices d’aridité et indices de confort ; et de bien d’autres indices encore. La variété provient du choix des variables et de la méthode utilisée pour caractériser leur association en la quantifiant, emploi par exemple de la différence ou du rapport de mesures des précipitations et des températures.
Les combinaisons On peut ainsi désigner une technique qui consiste à créer des catégories qualitatives à partir des données mesurées, puis à les combiner. A partir de la définition et du classement des mois en trois catégories thermiques (chaud, tiède, frais) et trois catégories du point de vue des précipitations, (très pluvieux, pluvieux, secs), on pourra construire par croisement neuf types synthétiques, chaud très pluvieux, sec frais, etc…
Cette opération implique une technique de classification, sur laquelle nous reviendrons, et le recours à des techniques de discrétisation, au choix de seuils. Ceux-ci peuvent être avoir une signification physique évidente : si on dispose d’un indice confrontant l’évapotranspiration potentielle et la quantité d’eau précipitée pendant une période donnée pour un lieu donné, il est clair que la période peut être considérée comme « sèche » si la première est supérieure à la seconde, « humide » dans le cas contraire. La valeur 0 pour un indice fondé sur les différences et la valeur 1 si l’on utilise un rapport, s’impose comme limite entre sec et non sec.
Dans d’autres cas, les valeurs limites choisies résultent d’un calage empirique. Ainsi, il y a comme un consensus général pour retenir une température moyenne du mois le plus froid inférieure ou supérieure à 18°C comme limite entre les climats avec ou sans période de refroidissement significative autrement dit, « régions avec ou sans hiver » . Le choix de cette valeur de 18 degrés centigrade résulte d’observations : certains arbres très caractéristiques du monde tropical sont rarement présents là où ce seuil de 18° n’est pas atteint, et la culture du riz n’y est plus praticable toute l’année. De tels calages empiriques sont très courants dans la définition des climats. Ils utilisent souvent la végétation naturelle ou cultivée comme indicateur, ce qui explique le rôle important des botanistes et agronomes dans la littérature sur la description des climats.
-Les espaces du climat
La construction d’entités spatiales de dimensions très différentes caractérisées par des séries d’états atmosphériques proches pose les mêmes problèmes pour la géographie des climats que pour celle des autres éléments des complexes géographiques. On rencontre les mêmes désignations des hiérarchies valables pour les ordres de grandeur des entités spatiales distinguées, les mêmes variations en sens inverse des niveaux de compréhension et d’extension, selon la dimension de l’espace considéré. Pour le climat comme pour d’autres réalités géographiques, il existe des hiérarchies comparables, des variations continues ou discrètes, depuis le monde jusqu’au site, en passant par le domaine, la région, la province, etc… On peut cependant retenir deux spécificités en matière de construction des climats On accorde une place particulière à des espaces de dimensions variées, comme les
zones, les fuseaux, les façades, les versants ; ils ont en commun de renvoyer à un type de position sur la surface de la
Terre ; position qui est un important facteur de la genèse des climats et de leurs différenciations.
Une spécificité de la spatialisation des climats apparaît en bout de chaîne, dans le domaine des très petits espaces. Elle repose sur une opposition entre les « états » de volumes atmosphériques qui sont confinés, donc qui dépendent de facteurs très localisés comme les qualités physiques du sol ou la présence d’une surface rocheuse ou d’un mur qui modifie la réception de la radiation solaire, et, d’autre part, les volumes plus étendus, non confinés, moins déterminés par leur environnement immédiat On parlera de « micro climats » dans le premier cas, de macroclimats dans le second. Cependant, il est vrai que cette définition rigoureuse du micro-climat est souvent oubliée et que l’expression sert simplement à qualifier les climats des espaces les plus restreints Certains auteurs se contentent de la division ternaire mico- meso- macro-climat.
La construction des entités climatiques repose sur des classifications de données élémentaires. Longtemps, la limitation des possibilités de traitement a conduit a utiliser des techniques de classification descendante, c’est-à-dire des partitions successives d’un ensemble de départ. C’est ainsi que la très célèbre classification des climats mondiaux de Köppen part de l’ensemble des stations du monde ayant des données suffisantes, et subdivise ensuite cet ensemble selon des critères appliqués successivement. Ils reposent sur des critères quantifiés, mais que l’on décrira ici en termes qualitatifs.
La classification de Köppen tient donc compte des critères suivants, appliqués en quatre étapes de division et de subdivision dans l’ordre suivant :
-1. le rapport précipitations/températures Définit sécheresse versus humidité ; 3 modalités, selon le degré de « sécheresse » (Non sec, sec, très sec.)
-2. l’existence et les caractères d’une période froide. 5 modalités, selon les caractères et la date de la période froide.
-3. l’existence d’une période sèche dans un climat humide .3 modalités. Selon les caractères plus ou moins marqués et la date de la période.
-4. l’existence et les caractères d’une période chaude 3 modalités
Selon les caractères de la période.
On aboutit finalement à la définition de 22 types de climat dans le monde. Bien des nuances ont été introduites, et il ne manque évidemment pas d version de la classification de Köppen comportant davantage de classes.
Dans chaque cas, les seuils qui définissent les modalités sont obtenus à partir de calages empiriques.
Des modes différents de calcul des seuils ont conduit à bien d’autres classifications, mais celle de Kôppen (que leur auteur soit ou non cité), plus ou moins adaptée, reste d’un usage très courant.
Depuis la généralisation des techniques de calcul rapide, on tend utiliser des classifications ascendantes, qui consistent à partir de tableaux de données très nombreuses et peu élaborées, (par exemple, valeurs mensuelles sur trente ans de 10 variables climatiques) pour plusieurs dizaines de stations. On peut ensuite constitue un nombre choisi de classes, en minimisant les différences à l’intérieur des classes et en maximisant les différences entre elles. On peut aussi pratiquer des techniques qui comportent aussi des étapes successives ; à partir des meures quotidiennes de plusieurs variables on constitue des types de journées, des types de temps, ou encore des ambiances climatiques instantanées ;et ensuite on effectue des comptages de ces types et s’en servir pour caractériser les climats.
On trouvera en annexe une présentation de la classification de Köppen. Présentée sous forme de tableau, celui-ci a été conçu de façon à montrer le fonctionnement de la classification descendante.
Documents joints