Invariance d’échelle

Un objet est invariant quand une transformation le laisse inchangé. Un cercle est invariant par rotation car si on fait tourner un cercle de 10° ou 60° on obtient toujours le même cercle. Un objet est invariant d’échelle quand il reste inchangé par l’action d’une dilatation directe ou inverse (rétraction). L’invariance d’échelle indique qu’aucune échelle, temporelle ou spatiale, ne caractérise l’objet, donc que chaque partie ressemble au tout. Comme chaque partie est similaire au tout, le phénomène est dit auto-similaire. Ce qui revient à admettre que toutes les échelles contribuent également à l’état de l’objet observé [Laguës et Lesne, 2008]. L’invariance d’échelle fut d’abord observée dans les figures mathématiques et certaines formes végétales. La baderne d’Apollonius [figure 1a] est sans doute la première forme auto-similaire. Plus tard, Albert Dürer imbriquait des petits pentagones à partir des cinq côtés d’un pentagone plus grand. Une avant-première des modèles auto-similaires et hexagonaux des places centrales. Mais en science, la règle consistait plutôt à associer une échelle, de temps et d’espace, à chaque phénomène ou objet. Pour comprendre un phénomène à une échelle donnée, les scientifiques prenaient en compte les phénomènes à un niveau inférieur, puis à un niveau supérieur. Cette méthode hiérarchique [Sheppard et McMaster, 2004], montrait l’intérêt des approches multi-échelles. Mais si tous les systèmes géographiques sont multi-échelles, tous ne sont pas invariants d’échelle. L’invariance d’échelle se distingue avec les travaux de L-F. Richardson puis de B. Mandelbrot [1982], l’invariance d’échelle reconnue pour les formes, qualifiées de fractals, s’applique aussi aux lois fréquentielles, aux séries temporelles ou aux processus. L’invariance d’échelle correspond à une loi puissance. Mais en traitant des données observées, les scientifiques notent que la condition d’auto-similarité est très restrictive [Queiros-Condé et al, 2015]. D’abord, l’invariance d’échelle ne se vérifie qu’entre deux niveaux. Puis, de nombreuses anomalies surgissent sur les graphiques log-log. Parfois, deux ou trois pentes apparaissent [figure 2a]. C’est un semi-fractal. Plus fréquemment la pente se modifie de façon continue, notamment aux extrémités. C’est un fractal parabolique [figure 2b], dont la dimension fractale change suivant la gamme des échelles considérées. Dans un espace à deux dimensions, un champ thermique ou la photo satellitaire d’une ville, l’auto-similarité peut varier suivant les directions. Le fractal est auto-affine. Quant aux multifractals, ils caractérisent des objets où plusieurs dimensions fractales imbriquées doivent être prises en compte [Seuront, 2010]. Soit le bâti d’une ville figuré par une image satellitaire en 256 niveaux de gris. Il est possible de distinguer le bâti des autres composantes (espaces verts, routes,…), donc de créer une image binaire et d’en calculer la dimension fractale [Frankhauser, 1994]. Mais, il est aussi possible de construire une autre image binaire, qui oppose les maisons de 1 étage aux autres espaces, et d’obtenir une nouvelle dimension fractale. En répétant ce procédé, si toutes les dimensions fractales calculées sont égales, la ville est monofractale. Si les dimensions fractales sont différentes, la ville est un multifractal. Ainsi, un multifractal localise et quantifie les singularités ou irrégularités à toutes les échelles. L’approche multifractale réconcilie donc la démarche nomothétique et l’analyse idiographique. L’invariance d’échelle et surtout les écarts à ce principe sont reconnus dans tous les phénomènes géographiques, les reliefs, les champs climatiques, les réseaux hydrographiques, mais aussi les villes, les réseaux urbains et les réseaux de communication, qu’il s’agisse d’un métro ou des réseaux de l’Internet. Comme l’invariance d’échelle est aussi vérifiée dans la plupart des disciplines, y compris dans les domaines artistiques, une profusion d’outils sont sans cesse proposés. Parmi les plus courants, citons les outils construits sur les décompositions en ondelettes ou les approches entropiques [Dauphiné, 2012]. Enfin, pour expliquer cette invariance d’échelle, les scientifiques s’inspirent des théories de la complexité. André Dauphiné

Documents joints

 

Publications.

-Barabasi A. L., 2002, Linked : The new science of networks, Cambridge, Persus
-Dauphiné A., 2017, Fractal Geography, London, ISTE Press Elsevier.
-Frankhauser P., 1994, La fractalité des structures urbaines, Paris, Economica-Anthropos.
-Queiros -Condé D., Chaline J., Dubois J., 2015, Le monde des fractales, La Nature trans-échelles, Paris, ellipses.
-Laguës M., Lesne A., 2008, Invariances d’échelle Des changements d’états à la turbulence, Paris, Belin.
-Mandelbrot B., 1982, The Fractal Geometry of Nature, New-York,
-W. H. Freeman Seuront L., 2010, Fractals and Multifractals in Ecology and Aquatic Science, London, CRC Press.
-Sheppard E., McMaster R. B., 2004, Scale & Geography Inquiry, Malden, Blackwell Publishing.
-West G., 2018, Scale, The universal laws of Life and Death in Organism, Cities and Companies, Orion Books.