Localisation selon F. Durand-Dastès
La géographie a élaboré une série d’outils conceptuels et techniques pour répondre aux questions sur les localisations. Ces outils peuvent être classés en trois catégories:
-un certain nombre de principes de base, qui expriment verbalement les axes principaux des réponses à ces questions.
-des modèles, « représentations schématiques de la réalité élaborées en vue d’une démonstration » (P.Haggett, 1967), qui mettent en oeuvre ces principes
-des techniques qui servent à élaborer les modèles, à les contrôler et les affiner, ou, plus généralement, qui permettent de traiter la réalité empirique.[…]
Toute localisation dotée d’une certaine permanence, donc observable, correspond au fonctionnement d’un système doté d’une certaine stabilité (de propriétés homéostatiques). Ou encore; si une forme spatiale, une localisation est observée fréquemment, et qu’elle présente une certaine pérennité, c’est qu’elle correspond au fonctionnement d’un système doté de propriétés homéostatiques.
Dès qu’il existe une division sociale du travail, il apparaît une «hiérarchie» des lieux de production et de services.
A partir du moment où il est apparu des noyaux de concentration dans une distribution spatiale quelconque, la distance à ces noyaux devient un principe important d’organisation et de différenciation de l’espace.
A chaque phase du temps, l’«organisation de l’espace» est influencée par des contraintes elles-mêmes inscrites dans l’espace. Ces contraintes comprennent des contraintes physiques et celles qui résultent des actions des générations antérieures.
Le poids du passé se fait sentir par le jeu de processus diachroniques. Parmi ceux-ci on distinguera:
-les «processus» de diffusion, par lesquels une innovation apparue dans un lieu atteint d’autres lieux
-l’inertie: processus selon lequel une activité se maintient dans un lieu lorsque ses causes initiales ont disparu.
-l’héritage: processus de localisation dans lequel les traces concrètes laissées par le passé sont une des causes qui interviennent dans le présent
– la croissance cumulative: processus par lequel un centre d’activité croît par l’effet de sa masse initiale, et garde ainsi un avantage. La croissance cumulative correspond souvent au fonctionnement d’une boucle de rétroaction positive.
Dans les processus diachroniques, il apparaît des bifurcations. Celles-ci prennent souvent l’aspect de la naissance de systèmes nouveaux (systémogénèse). Des éléments aléatoires peuvent y jouer un rôle.
Dans le jeu des règles synchroniques et des processus diachroniques, il y a la compétition et la concurrence. Compétition pour l’utilisation de l’espace, concurrence entre agents économiques. Les localisations résultent largement des décisions de ces agents. Il existe des «échelles» différentes de décision, de la micro-décision individuelle et familiale à la macro-décision de l’Etat ou de la grande firme.
F. Durand-Dastès, La question « où » et l’outillage géographique, revue EspacesTemps, nø26/28, 1984