Mesure

L’opération de la mesure consiste à donner des valeurs aux phénomènes auxquels on s’intéresse dans le cadre d’un questionnement géographique. D’une part elle sert à caractériser les attributs des objets que l’on étudie et intervient alors en amont de tout traitement. D’autre part elle intervient en aval, pour caractériser des formes spatiales, décrire la nature et l’intensité de relations, qualifier des ressemblances, etc. Dans le premier cas la mesure est appréhendée dans la phase d’acquisition des informations et données nécessaires pour traiter la question étudiée. Ces informations proviennent soit de sources statistiques d’organismes publics ou privés, soit d’enquêtes (relevés de terrain, sondages etc .). Dans le deuxième cas, il s’agit à l’aide de mesures appropriées, de rendre compte de résultats issus de traitements, statistiques ou autres.

Elaborer un système de mesure suppose au préalable d’identifier des objets et des attributs pertinents par rapport aux questions posées. Suivant le phénomène étudié, les objets peuvent être de nature très différente : des concepts, des entités spatiales, des individus, des groupes sociaux, des cartes sont des exemples d’objets observables auxquels on peut associer des attributs. Suivant les informations disponibles et/ou mesurables, il peut y avoir un décalage plus ou moins important entre le phénomène que l’on souhaite mesurer et ce qui est effectivement observables. Il s’agit dans chaque cas d’avoir des hypothèses solides sur la chaîne de causalité qui lie ce qui est mesuré au phénomène étudié.

Dans de nombreux cas, les objets étudiés sont des entités spatiales. Elles peuvent constituer une partition de l’espace (l’ensemble des communes d’une région, l’ensemble des régions d’un continent etc.), être des segments de réseaux ou de simples points localisés (établissements, villes..). On utilise le terme de « matrice d’information géographique  » pour décrire la matrice ayant pour lignes l’ensemble des entités spatiales considérées et pour colonnes l’ensemble des attributs choisis pour caractériser le phénomène étudié.

Dans un cadre statistique, on utilise également les termes de « caractères « , d’  » indicateurs « , de « variables  » pour désigner les attributs. Suivant l’objectif de la recherche et la nature de ces attributs, différents outils de représentation et de traitement existent. La principale distinction concerne la nature quantitative (comptage, rapport, mesure) ou qualitative (catégorie, ordre) des variables. Les traitements les plus classiques utilisent des méthodes statistiques. Lorsque le but est d’effectuer une typologie, ou de mettre en évidence les interrelations entre un ensemble de variables, on a recourt aux méthodes d’analyse des données, analyse en composantes principales s’il s’agit de variables mesurables, analyse des correspondances s’il s’agit de variables qualitatives. Dans ces analyses statistiques les variables jouent des rôles symétriques. Quand on s’intéresse à la variabilité d’un phénomène particulier en fonction d’autres facteurs, on utilise les modèles statistiques (régression multiple, analyse de la variance, analyse de la covariance, modèle logit etc. suivant la nature de la variable dite « à expliquer  » et des variables dites « explicatives « ).

Il y a différents niveaux d’intégration de l’espace dans les traitements statistiques suivant les méthodes utilisées et les attributs choisis pour caractériser les objets étudiés. L’espace peut être présent par le simple fait d’appliquer des méthodes statistiques classiques à des individus statistiques qui sont des entités spatiales. A un niveau d’intégration plus poussé, on peut pendre en compte des attributs contenant une dimension spatiale, les plus classiques étant la distance à un objet structurant et la caractérisation du voisinage. Enfin, il existe des méthodes de traitement qui intègrent explicitement l’espace (géostatistique, statistiques spatiales, mesures fractales, morphologie mathématique).

D’autres méthodes font également appel à la mesure. Tel est le cas des modèles qui sont formalisés au moyen d’équations mathématiques, à l’aide de règles logiques, ou encore à partir d’une combinaison des deux. De tels modèles servent à décrire et à expliquer l’état d’un système, l’évolution de cet état, ou l’intensité des interactions entre différents objets (par exemple le modèle gravitaire si les objets sont des entités spatiales). Certains modèles permettent d’effectuer des simulations et sont utilisés pour tester des scénarios et faire des prévisions (modèles dynamiques).


Quelques exemples permettent d’illustrer les notions d’objets et d’attributs à différents niveaux géographiques et soulignent la nécessité de réfléchir à une chaîne de causalité entre les mesures que l’on est capable d’observer et les phénomènes que l’on désire étudier:

– Pour étudier la globalisation de l’économie mondiale, une possibilité est d’observer des firmes (les objets), et analyser les localisations respectives de la maison mère et des filiales, la structure géographique des investissements, les flux entre lieux de production et de commercialisation (les attributs).
– Pour analyser l’évolution d’un concept géographique d’un point de vue épistémologique, on peut partir de textes (les objets) d’époques différentes et évaluer le sens et l’occurrence, de mots ou d’associations de mots (les attributs).
– Pour caractériser les pratiques agricoles dans une région donnée, on peut partir des exploitations ou des exploitants (les objets) et caractériser la répartition des cultures, la disposition des haies, les machines agricoles utilisées (les attributs)
– Pour rechercher les facteurs du dynamisme rural, il est commode d’utiliser des informations au niveau des communes (les objets) sur les caractères de la population, de l’emploi, des activités touristiques, de la situation relative etc. (les attributs).
-voir aussi: variables quantitatives, variables qualitatives