Hydrosystème

On peut définir de manière très générale le terme d’hydrosystème comme étant un système composé de l’eau et des milieux aquatiques
associés dans un ensemble géographique délimité. Il s’agit d’un vocable qui, en une quarantaine d’années d’existence, a vu son sens évoluer largement. Ces transformations peuvent être abordées sous un angle thématique d’une part, spatial d’autre part.
En fait d’évolution thématique, le terme d’hydrosystème est apparu au début des années 1960 chez les géomorphologues anglo-saxons. C’est en effet le géographe physicien Richard John Chorley qui est habituellement présenté comme l’inventeur du concept, attaché qu’il fut pendant toute sa vie à développer une approche systémique de la géomorphologie. Pourtant, dans son article pionnier de 1962 sur « la géomorphologie et la théorie générale des systèmes », il ne crée pas le terme même, parlant seulement de « système fluvial » (stream system) quand il aborde les systèmes ouverts. De fait, le terme a gardé jusqu’à aujourd’hui une forte connotation de dynamique fluviale. Son emploi le plus fréquent reste dans cette discipline, plutôt qu’en hydrologie ou en biologie. C’est pourquoi l’hydrosystème a pu être considéré comme la seule partie abiotique de l’écosystème aquatique, c’est-à-dire le biotope avec lequel les organismes vivant dans l’eau entretiennent des interrelations. Cependant, depuis son utilisation aussi par les biologistes et, surtout, du fait de la mise en place d’études interdisciplinaires, le concept a été heureusement élargi aux liens réciproques entre les deux ensembles complexes du biotope et de la biocénose aquatiques. L’hydrosystème est alors à peu près équivalent à l’écosystème aquatique. Enfin, du fait de l’évolution de la géographie, qui est à l’origine du terme, l’action anthropique a été introduite pour assimiler l’hydrosystème au milieu géographique de l’eau.
Concernant l’évolution spatiale, l’hydrosystème a d’abord, du fait de son origine en géomorphologie fluviale, représenté avant tout l’ensemble des relations longitudinales entre l’amont et l’aval des eaux courantes à l’intérieur du bassin d’alimentation. Mais cette portion d’espace comprend aussi des relations réciproques latérales entre les lits mineur et majeur, entre l’eau, les formations sédimentaires et végétales de la plaine alluviale, avec un élargissement récent sur la problématique forte des bras morts, zones humides et eaux stagnantes des lits majeurs. La troisième dimension prise en compte concerne les liens verticaux entre les eaux superficielles et souterraines. Ainsi, prenant en compte les interrelations longitudinales, latérales et verticales, l’hydrosystème est un terme souvent utilisé pour qualifier un bassin-versant à l’intérieur duquel s’organise un réseau hydrographique qu’on souhaite étudier de manière systémique afin d’aboutir à des propositions de gestion. La composante atmosphérique et climatique a été parfois soulignée à juste titre, en plus des trois dimensions précédentes, si bien que l’hydrosystème est alors devenu une portion de l’espace géographique, plus ou moins naturel ou anthropisé (anthropisation), où s’effectue le cycle de l’eau, dans lequel, pour des raisons épistémologiques, les eaux courantes ont la première place de l’étude.
En dehors des cours d’eau, le terme d’hydrosystème est très peu employé en tant que tel, même accompagné du qualificatif de lacustre. Il est remplacé par le terme de limnosystème, dont l’épistémologie a connu une évolution propre. Apparu dans les années 1980, le limnosystème a surtout servi aux limnologues à justifier l’étude croisée du plan d’eau et de son bassin d’alimentation et à se positionner dans une démarche de rupture avec la conception forelienne (du nom de F.A.Forel, voir bibliographie) initiale de la limnologie, celle du lac-microcosme. Les recherches actuelles tendent à élargir le concept à l’aval, en particulier l’émissaire, tout en gardant au lac sa place centrale à l’intérieur des liens réciproques entre le plan d’eau et l’espace environnant. Le limnosystème devient alors l’espace d’interrelations entre le volume d’eau lacustre, la biomasse, le sédiment et la couche-limite atmosphérique, lui-même lié à un milieu d’échanges avec l’amont et avec l’aval.
L’hydrosystème, qu’il soit fluvial ou lacustre, n’a pas en soi de dimension et peut aller de la flaque à l’Amazone dans son bassin. Chaque hydrosystème a une taille qui dépend de ses éléments et dont l’équilibre total résulte des réponses permanentes de chaque constituant et de la recomposition des liens qui les unissent. L’échelle spatiale de l’hydrosystème est ainsi en relation avec son échelle temporelle, en particulier par l’inertie et les décalages qui se produisent dans le rétablissement faisant suite à une perturbation naturelle ou anthropique, le temps et la capacité à ce rééquilibrage formant la résilience du système. Cette notion est essentielle pour les atteintes sous forme de pollution ou d’eutrophisation des eaux et la prise en compte des possibilités d’auto-épuration de l’hydrosystème.

 

Références bibliographiques :

-Amoros C. & Petts G.E., Dir., 1993, Hydrosystèmes fluviaux. Paris, Masson, 300 p.
-Bertola C., 1999, "François-Alphonse Forel (1841-1912)" in /Découvrir le Léman 100 ans après François-Alphonse Forel/. Genève, Slatkine

-Chorley R.J., 1962, « Geomorphology and general systems theory » US Geological Survey, 500B : 1-10.
-Forel F.-A., 1892, Le Léman, monographie limnologique. Lausanne, F. Rouge