Bassin-versant

Au sens large, un bassin-versant est une portion d’espace drainée vers un exutoire grâce à un «système» de pentes, au sens strict le bassin-versant est la portion d’espace élémentaire constituée d’une facette topographique permettant le drainage vers un exutoire.

L’origine du bassin-versant est à chercher chez le géographe officiel du roi Louis XV, P.Buache, qui créa au XVIII e siècle la notion de « bassin de fleuve ». Les savants de l’époque s’en emparèrent alors pour découper toute la planète en traçant des lignes de partage des eaux, d’ailleurs parfois de manière trop théorique et sans vérification de «terrain». Cependant, le succès fut tel que le bassin de fleuve devint chez les géographes une unité essentielle de réflexion du découpage régional. Cette influence trop grande sur la géographie humaine fit tomber ensuite dans l’oubli le bassin de fleuve.
La notion resurgit en géomorphologie fluviale chez les Anglo-Saxons et ce furent, à la suite des premiers travaux de W.M. Davis, les recherches de R.E. Horton, puis de R.J. Chorley qui diffusèrent ledit, désormais, « bassin-versant » dans la littérature scientifique. Les termes d’origine, que traduit ainsi le français, sont ceux de « drainage basin » chez les Anglais et « watershed » chez les Américains. Ce dernier terme signifie en revanche « ligne de partage des eaux » chez les premiers, laquelle se dit « divide » chez les seconds. Les deux notions sont, il est vrai, très liées, puisque la ligne de partage des eaux délimite le bassin-versant et construit son périmètre.
En France, l’emploi du « bassin-versant » à la place d’autres termes a été favorisé par la mise en place des Bassins-Versants Représentatifs et Expérimentaux (BVRE) depuis le début des années 1960. Il s’agissait, dans notre «pays» comme à l’étranger, des premières mesures très poussées sur des parcelles expérimentales, conduisant aux calculs de bilans d’eau et de matière, ainsi qu’aux modélisations du ruissellement, de l’écoulement et des taux de dégradation spécifique. La quantification en hydrologie et en géomorphologie a imposé en langue française le bassin-versant dans un sens adimensionnel, comme il l’est chez les Anglo-Saxons.
Certains gardent malgré tout la richesse lexicale d’origine. Au sens strict, le bassin-versant est élémentaire et donc de petite taille ; c’est d’ailleurs pourquoi il se prête si bien à la modélisation mathématique. Les surfaces de grande taille drainées vers un exutoire sont avantageusement appelées « bassins d’alimentation ». Les plus grands bassins de la planète, ceux de l’Amazone (6,2 millions de km² sans le Tocantins), du Congo (3,6 millions de km²), du Mississipi (3,2 millions de km²) sont évidemment formés de milliers de bassins-versants élémentaires, mais c’est aussi le cas de bassins fluviaux de taille bien moindre. Ce choix de vocabulaire repose sur une question d’échelles éminemment géographique, du même ordre d’idée que celle qui oppose l’effet de façade à l’effet de versant dans les «montagnes». Le « bassin hydrographique », employé plus largement, pourrait, sans dimension, regrouper les notions de bassin d’alimentation et de bassin-versant.
La synonymie n’est pourtant pas parfaite. En effet, un bassin-versant élémentaire peut ne pas connaître d’écoulement concentré linéaire permanent, tandis qu’un bassin hydrographique possède forcément un «réseau» de cours d’eau convergeant vers le point de sortie. Les Anglo-Saxons possèdent eux aussi une différence assez fine entre « drainage basin » et « catchment basin » (ou « catchment area »). De cette subtilité on peut déduire qu’un bassin est d’abord un impluvium, une portion de l’espace terrestre ou tombent les précipitations, qui, du fait du système de pentes, alimenteront, après des décalages, mises en réserve et déstockages plus ou moins longs, l’exutoire. L’occupation du sol joue bien entendu un rôle essentiel dans l’interception de ces précipitations et les coefficients de ruissellement, puis d’écoulement. Les eaux souterraines forment, en général, la part essentielle des mises en réserve temporaires. C’est d’ailleurs, selon le géographe anglais J. Whittow, la différence entre « drainage basin », qui ne considère que l’espace superficiel délimité par la ligne de partage, et « catchment basin », qui prend aussi en compte la circulation souterraine. Pour l’hydraulicien français G. Réméniéras, c’est exactement la distinction entre « le bassin-versant topographique » et « le bassin-versant réel ».
Dans l’évolution des recherches, le bassin-versant topographique a recueilli pendant longtemps l’essentiel des efforts. C’était l’époque des travaux morphométriques, tant pour la forme de l’aire, sa plus ou moins grande compacité (coefficient de Gravelius), que pour l’ordination et l’arborescence des cours d’eau drainant cette surface (rangs de Horton, Schumm, Strahler). Puis l’essentiel des recherches a porté, jusqu’à aujourd’hui, sur la prise en compte et, si possible, la quantification, de toutes les interrelations entre les éléments du système, en particulier sur l’influence de l’occupation du sol dans le bassin. Le bassin-versant devient dès lors une notion s’approchant de celle d’hydrosystème.

voir aussi: «Erosion»

 

Références bibliographiques :

-Bravard J.-P. & Petit F., 1997, Les cours d'eau. Dynamique du système fluvial. Paris, A. Colin, col. « U », 222 p.
-Cosandey C. & Robinson M., 2000, Hydrologie continentale. Paris, A. Colin, col. « U », 360 p.
-Giret A., 2007, Hydrologie fluviale. Paris, Ellipses, col. « Universités Géographie », 262 p.