Biome
Forgé aux États-Unis, dans les années 1910-1920, à la suite des travaux des écologues anglo-saxons (Carpenter, Forbes, Shelford, Clements), le terme de biome est significatif d’une histoire écologique qui ne développe plus seulement des connaissances sur les communautés végétales. Les communautés animales et leurs relations trophiques avec les phytocénoses sont également pris en compte dans une « écologie des successions biotiques ». Pour Shelford (1931, in Acot, 1988), le biome a rang d’unité fondamentale de l’écologie, pouvant se définir comme « l’entité et l’unité biogéographique que constituent une formation végétale et la formation animale qui lui correspond ». Par là, on considère que les grandes formations ont des fonctions qui ne peuvent s’expliquer que par l’intégration des groupes faunistiques et des groupements végétaux. Le nombre de biomes recensés sur la planète (ou des unités écologiques peu ou prou équivalentes) varie de huit à une centaine selon les auteurs. La démarche typologique n’ayant jamais donné lieu à des catégories de classification claires et indiscutables, selon la résolution souhaitée et le degré de précision recherché, divisions et subdivisions des entités aboutissent à des différences plus ou moins importantes.
Le terme n’a connu en France qu’un succès assez récent, longtemps délaissé au profit d’autres mots de tradition plus géographique ou plus biogéographique qu’écologique : notamment la notion de milieu qui a perduré en France même chez les écologues jusque dans les années 1980. On a de la sorte plus souvent évoqué les grands «milieux» terrestres ou encore les grands paysages végétaux que les biomes.
Les biomes et le modèle zonal
Puisque la diversité biologique n’est pas répartie de manière homogène à la surface du globe, les naturaliste ont essayé, dès la fin du XVIIIe siècle, grâce à la végétation d’abord, d’en reconnaître les grandes « figures » de la distribution spatiale, constatant combien sont étroites les relations entre le climat et ses variations et les formations végétales. L’identification de différenciations spatiales horizontales à la surface du globe a donné naissance au modèle de la zonalité fondé sur le primat de la climatologie et s’exprime à travers la loi de zonalité : « dans chaque «zone» climatique, les sols issus de roche-mères différentes et les biocénoses correspondantes, tendent à converger vers un type assez uniforme, sinon unique » (Godron, 1984). Là réalité est là : le principe de différenciation fondamentale entre les divers biomes du globe repose sur le degré de leur productivité primaire et de leur biomasse, croissant depuis les pôles jusqu’à l’équateur, que ce soit d’un point de vue animal ou végétal. Ricklefs et Miller (2005) écrivent d’ailleurs : « Le concept de biome organise la diversité du monde vivant à grande échelle » (ici, grande échelle signifiant niveau planétaire). Le biome correspond ainsi à une vaste aire bioclimatique, d’«échelle» continentale ou sous-continentale, calquée sur la zonation des climats. Il constitue donc une formation écologique d’aspect homogène sur une vaste surface.
Un transect réalisé entre l’équateur et le pôle Nord donne les biomes suivants : forêt sempervirente ombrophile des tropiques humides, savane des «régions» tropicales à saisons contrastées, désert, matorral méditerranéen, forêt décidue tempérée, taïga des hautes «latitudes» boréales, Toundra. Toutefois, ce transect ne rend pas compte de la multiplicité des «gradients» de végétation qui expriment la résultante zonale et régionale de la température et de l’humidité. D’autres biomes sur d’autres coupes méridiennes apparaîtraient : forêt tropicale à feuilles caduques, désert froid, prairie et steppe… Souvent le biome reçoit un nom local : par exemple, le biome « prairies tempérées » est localement connu sous les noms de steppe, pampa ou veld en fonction du continent. Unité de paysage, le biome est aussi une unité fonctionnelle dont les composantes sont en «interaction» dynamique.
L’ensemble des biomes ou ensemble des lieux où la vie est possible constitue la «biosphère». Il existe donc des biomes terrestres et des biomes aquatiques. Les biomes sont dénommés par les formations végétales qui les caractérisent, sauf pour la classification des biomes aquatiques qui est basée sur des caractéristiques physiques. D’autres paramètres physiques peuvent influencer la nature de l’«environnement», par exemple une altitude particulière ou un sol périodiquement submergé.
Le biome, la plus grande unité de classification écologique naturelle ?
La liste ci-dessus – « classique » – des biomes terrestres renvoie à la représentation la plus habituelle de notre planète, lointain héritage des grecs; c’est la géographie telle qu’on l’apprend aux enfants, celle des « grands milieux de vie » et des milieux naturels : elle a ainsi longtemps été, en France, la base du programme des classes de 6e et en constitue toujours une des grandes parties. Aussi la typologie des biomes ignore-t-elle trop souvent le poids déterminant de « l’anthropisation » de la planète et certains d’entre eux ne sont plus que des unités potentielles. Il est en conséquence intéressant de mentionner la catégorisation proposée par Duvigneaud (1980) qui reconnaît pour les biomes continentaux silva, saltus, ager, desertus, toundra, marais et eaux douces, s’affranchissant du modèle zonal et prenant en compte l’anthropisation des milieux.
Le biome devrait constituer, après la planète tout entière, la plus grande unité de classification écologique. Ce n’est pas toujours le cas. La répartition planétaire des grands biomes peut paraître simplificatrice, voire réductrice. D’autre part, les attributs d’un biome se fondent progressivement dans le suivant (soit par la variation progressive des gradients climatiques hors action de l’homme, soit précisément à cause de l’action de l’homme qui homogénéise les paysages végétaux). En conséquence, certains chercheurs ont proposé des typologies qui démultiplient les types et les sous-types, en faisant des distinctions plus grossières ou plus fines entre biomes. De plus, n’est-il pas nécessaire, dans une vision plus géographique, de rectifier les choses en fonction des échelles d’analyse ? Tout d’abord, parce que la zonalité est loin d’être parfaite, notamment dans le cas des oppositions de façades continentales et, aussi, parce que des facteurs régionaux importants nuancent la distribution des grands paysages végétaux. Le déterminisme climatique n’est pas, d’une part, simple et, d’autre part, total. On découvre de ce fait que certains auteurs appellent zonobiomes ou macroécosystèmes zonaux (neuf zonobiomes pour Grabherr) ce que d’autres dénomment biomes et que le biome, alors, correspond à un niveau inférieur d’ordre régional. Il est vrai que prendre les paysages végétaux comme indicateurs de milieu peut amener à des ambiguïtés ou des errements. De même, si certains organismes, dans un but de conservation ou de protection de la nature, ont développé des «systèmes» de classification hiérarchique, c’est parfois en oubliant cette unité constituante de la biosphère qu’est le biome ou alors, comme, par exemple, le World Wildlife Fund, en l’intercalant entre l’écozone et l’écorégion.