Courant marin

Un courant désigne un mouvement de masse d’eau dont les déplacements se manifestent en trois dimensions, à la fois en surface et en profondeur. Dans le milieu marin, les courants (et les masses d’eau) se distinguent par leur vitesse, leur température et leur salinité qui sont différentes de celles des eaux avoisinantes. Si l’on connait depuis longtemps l’existence des courants marins, ne serait-ce qu’en raison de la dérive des navires par rapport à leur route théorique, ce n’est qu’au XVIIIème siècle que l’on commença à distinguer les différentes masses d’eau océaniques grâce à des mesures de température et de salinité à l’aide de thermomètres et de bouteilles d’échantillonnage immergées à partir d’un navire. L’amélioration des techniques instrumentales a ensuite permis de réaliser des mesures directes de courants, soit par l’intermédiaire d’un courantomètre en position fixe qui fournit des séries temporelles du courant (mesures eulériennes), soit à l’aide de flotteurs dont on analyse la trajectoire (mesures lagrangiennes). Ces dernières années, la télédétection satellitaire a révolutionné notre vision de l’océan en permettant d’acquérir sur d’immenses surfaces des données fournissant des informations sur les courants océaniques (température de surface, marées…). Les courants marins présentent une très grande variabilité en fonction de leur vitesse, de leur débit, ou de leur caractère permanent ou intermittent. Il existe en effet des courants très stables participant à la circulation générale des océans (Gulf Stream dans l’Atlantique Nord, Kuroshio dans le Pacifique Nord subtropical, courant de Benguela le long des côtes atlantiques de l’Afrique,…) dont les débits, quoique variables dans le temps, sont colossaux puisqu’ils sont communément de l’ordre de dizaines de millions de m3/s pour chacun d’entre eux, alors que le débit de l’ensemble des cours d’eau aboutissant à l’océan n’est que d’environ un million de m3/s. D’autres courants sont saisonniers, comme le courant de Somalie par exemple dont la direction change avec la mousson, et qui tout en ayant un débit plus modeste est un des courants marins les plus violents du globe, sa vitesse pouvant dépasser 3 m/s. Contrairement aux courants fluviaux qui sont canalisés par le relief, la trajectoire des courants marins est beaucoup plus variable et est caractérisée par l’existence de méandres et de tourbillons de plusieurs dizaines de kilomètres et dont la durée de vie varie de quelques semaines à quelques mois. Les continents constituent néanmoins des obstacles pour la circulation océanique et déterminent l’extension de divers bassins dont la morphologie affecte la dynamique des courants marins. On observe ainsi dans chaque bassin océanique des contre-courants et des sous-courants qui compensent les énormes masses d’eau qui dérivent vers les continents. C’est ce qui se produit dans l’océan Pacifique, par exemple, avec les courants nord-équatorial et sud-équatorial qui s’écoulent vers l’ouest et dont une partie du flux retourne vers l’est dans le contre-courant équatorial. Dans les mers ou les océans, la mise en mouvement de l’eau peut être causée par le vent, la marée, par des variations de densité de l’eau de mer, ou encore par la houle (les courants de houle n’étant cependant sensibles qu’à proximité des côtes). Le vent, en entrainant les molécules d’eau superficielles, engendre des courants de surface qui sont initialement dans la même direction que lui, mais en raison de la déviation de Coriolis, qui est liée à la rotation de la Terre, ils sont déviés vers la droite dans l’hémisphère Nord et vers la gauche dans l’hémisphère Sud. Le vent n’engendre pas que des courants de surface, car il détermine aussi une circulation verticale. Les contraintes exercées par les vents n’étant pas uniformes à la surface des océans, il en résulte des mouvements de divergence ou de convergence de masses d’eau, lorsque deux courants s’écoulent obliquement l’un vers l’autre par exemple, qui vont engendrer des courants de compensation. Un phénomène de convergence provoque l’enfoncement d’une des deux masses d’eau, une divergence induisant l’effet inverse. Un exemple classique de mouvement vertical de masse d’eau qui résulte de l’action du vent est l’upwelling qui peut se produire en tout point de l’océan, mais qui se manifeste avec le plus d’ampleur le long des côtes. Si le vent souffle de façon telle que les eaux superficielles sont transportées vers le large, elles sont remplacées par des eaux froides plus profondes, généralement riches en sels nutritifs qui favorisent la production biologique. Parmi les exemples les plus connus de ce phénomène figurent les côtes du Chili et du Pérou qui font partie des zones les plus productives en poisson au monde. Si le vent est souvent à l’origine des courants marins, il n’en est pourtant pas la seule cause car interviennent également les différences de densité entre les masses d’eau qui varie en fonction de la température, de la salinité et de la pression. Les eaux profondes sont en général de densités assez semblables, mais la densité des eaux de surface est extrêmement variable du fait notamment de différences de salinité qui dépend de l’évaporation, des apports d’eau douce par les fleuves, de la fonte d’icebergs,… Comme le vent ne peut engendrer des courants qu’en surface ou proche de la surface, il ne peut être la cause des courants intermédiaires et profonds qui se manifestent jusqu’à des milliers de mètres de profondeur. Ces eaux intermédiaires et profondes se forment en surface sous l’effet d’échanges océan-atmosphère qui modifient leur densité. Le phénomène de refroidissement des eaux du Gulf Stream dans le nord de l’océan Atlantique sous l’effet de contact avec les masses d’air polaire est bien connu, ce qui conduit à une augmentation de leur densité. Ces eaux devenus plus denses, car plus froides et plus salées (en raison de la formation de glace de mer), plongent sous la surface où elles alimentent un long circuit que l’on qualifie de circulation thermohaline, car il est déterminé à la fois par des différences de température et de salinité. Cette circulation que l’on compare souvent à un tapis roulant océanique, dans laquelle les eaux profondes remontent lentement à la surface dans l’océan Indien et l’océan Pacifique après plusieurs centaines d’années, a un effet régulateur sur le climat de la planète en assurant un transport de chaleur de l’équateur vers les pôles et au contraire en amenant des masses d’eau froides en surface dans des régions de basses latitudes. voir aussi : «delta», «estuaire», «littoral»

Documents joints

 

-GUILCHER, A., 1979. Précis d’hydrologie marine et continentale, 2ème édition. Masson, Paris, 344 pp.

-HEQUETTE, A., 2001. Courants et transports sédimentaires dans la zone littorale : le rôle des courants orbitaux et de downwelling. Géomorphologie : relief, processus et environnement, 1, p. 57-68.