Utilisations des paysages

Le paysage n’est pas seulement le décor de nos vies quotidiennes et de nos contemplations fugaces, il est en permanence, et de multiple façon, utilisé par les acteurs sociaux. Le paysage est ainsi réglementé, vendu, consommé. Il est aussi fréquemment convoqué dans le discours des politiciens, des marchands et des amuseurs, souvent avec le dangereux implicite de l’évidence. Il est désormais présent dans tous les domaines de la vie sociale et apparaît sur des supports de plus en plus nombreux : photographies, télévision, publicités, et même affiches électorales ! Chaque individu peut tour à tour se livrer à plusieurs types d’utilisation du paysage ; pourtant, celui-ci est rarement objet de réflexion de fond. Certaines de ces utilisations peuvent être clairement identifiées et intégrées à une réflexion géographique.

Le rôle de l’art pictural dans l’émergence du paysage est fondamental ; le fait d’étudier les codes que chaque artiste utilise pour « donner à voir » peut fournir une véritable pédagogie du regard. La splendide série des « Meules » de Claude Monet pousse à prendre grand souci des variations de lumière qui changent les objets ! « Antibes, effets d’après-midi », du même auteur, pose clairement le problème des constructions déformées qui montrent mieux que la vue réaliste les rapports des objets dans l’espace. Enfin, Jean Dubuffet dans « La campagne heureuse » ou dans « La route aux hommes » passe du tableau spectacle à une «représentation» qui combine la vue du dedans et la vue du dessus, ce qui est précisément le problème du géographe !

L’utilisation du paysage par le commerce et le marketing le dote de différents types de statuts.

• Le paysage peut être un produit à part entière, ainsi pour le tourisme qui privilégie les sites remarquables, les grands espaces « naturels » de la planète, les itinéraires mythiques.

• Le paysage est aussi une aménité qui occasionne une plus-value. Que ce soit pour la villégiature ou l’habitat principal, une belle vue (Baie des Anges, Cervin, Central Park, jardins de la Mamounia) valorise les désirs et les tarifs.

• Le paysage peut enfin être une pure connotation ou un symbole : il fait vendre bijoux, cosmétiques, automobiles … et plus spécialement produits des terroirs. Le paysage est ici consommé en même temps que le produit et l’identification atteint son maximum avec des aliments à forte charge symbolique : le vin, le fromage, l’huile d’olive…

La gestion du territoire a longtemps ignoré le paysage ; il faut attendre en France les années 90, pour voir apparaître plusieurs textes lui faisant référence de manière explicite et opératoires (loi paysage 1993). Au même moment se développent les inventaires, atlas et observatoires du paysage, censés faire un état des lieux et fournir des instruments de suivi temporel. Les textes régissant les études d’impact prévoient désormais une composante paysagère : ils interpellent la communauté scientifique afin qu’elle fournisse concepts, méthodes et technique (systèmes d’information paysagère, cartographies, définition d’unités éco-paysagères ou de séquences d’évolution). Il s’agit de gérer en fonction de tous les types de consommateurs : le « traverseur » qui passe et perçoit à grande vitesse, le « contemplateur » attiré surtout par les vues panoramiques, l’ « excursionniste » qui explore la trame du tissu paysager, l’incursionniste immergé au cœur de la matière paysagère.

Voir aussi: paysage selon le laboratoire THEMA