Bourg

Le bourg est une agglomération qui joue un rôle de centralité locale dans les espaces ruraux et périurbains. Situé entre le village et la petite ville dans la hiérarchie des lieux de peuplement, il se caractérise par la présence de commerces élémentaires et de services structurants localement. Au-delà du marché hebdomadaire, on « se rend au bourg » pour y trouver un supermarché, un fleuriste, un service notarial, une gendarmerie, un collège, une maison de santé, etc. Une grande partie des bourgs sont d’anciens chefs-lieux de canton. Ils accueillaient par conséquent quelques fonctionnaires ainsi que la plupart des foires et comices agricoles. Si les bourgs sont présents sur tout le territoire français, la densité de population, la forme de l’habitat, la présence de petites villes, le paysage agraire et les spécialisations économiques anciennes peuvent influencer la densité de leur maillage dans les campagnes.

Dans l’ouest et le centre de la France, et en particulier dans les régions d’habitat dispersé, le bourg peut également désigner le chef-lieu de commune dans lequel sont implantés l’école, la mairie et l’église en opposition aux hameaux et aux fermes. On qualifiera alors plutôt de « bourgs-centres », les agglomérations jouant un rôle de centralité locale.

En dehors du contexte français, la traduction de la notion de bourg n’est pas toujours aisée. En Allemagne, les bourgs apparaissent proches des Grundzentrums, petits centres ruraux fonctionnels, et en Angleterre des market-towns, petites villes historiquement caractérisées par la présence d’un marché. La notion de bourg peut, par ailleurs, être opérante dans des contextes au premier regard lointains. En Chine par exemple, le bourg (zhen) se distingue du village et de la ville et le « bourg-marché » (ji zhen) désigne plus particulièrement une agglomération rurale dans laquelle se tient un marché hebdomadaire (Shen, 2014).

Bourg provient du latin burgus et surtout du germanique burg qui désigne un lieu fortifié. Le bourg apparaît en France aux alentours du Xème siècle (Musset, 1966 ; Le Goff, 1980). Il est le lieu d’artisans et de marchands échappant à l’autorité d’un seigneur, les premiers bourgeois. Les bourgs pouvaient alors prendre des formes très diverses (bourgs ruraux, monastiques, castraux, suburbains) (Pumain, 2006).

A partir de l’Ancien Régime, la définition du bourg tend à se rapprocher de celle que nous utilisons aujourd’hui. En 1680, Pierre Richelet, dans l’un des premiers dictionnaires en français qualifie le bourg de « gros village ». Une dénomination reprise par le Grand dictionnaire universel du XIXe siècle de Pierre Larousse et que l’on retrouve encore quasiment telle quelle dans une partie des dictionnaires académiques et généralistes contemporains. Gros village, il est aussi « presque une ville » pour d’autres auteurs (Littré, 1873). Au-delà de sa dimension intermédiaire entre ville et village, le bourg est également déjà défini par sa centralité commerciale. Il est le lieu du marché. Celui-ci est par exemple mentionné à l’entrée « bourg » dans chaque édition du dictionnaire de l’académie française depuis 1694 : “Grosse agglomération en zone rurale, où se tiennent ordinairement les marchés” (9ème édition). Enfin, le bourg peut toujours, au début du XIXème siècle, être défini par la présence de bourgeois dans sa population (Roncayolo, 1987). Le critère de présence des élites a toutefois progressivement disparu des définitions.

Présent dans le langage et dans les dictionnaires, le bourg demeure relativement peu traité dans la littérature académique. Son positionnement entre les études rurales et urbaines semble l’avoir placé dans un relatif angle mort académique. Seules les périodes durant lesquelles on s’interroge sur les catégories et les limites de l’urbain semblent en faire un objet d’étude. En 1976, alors que Gérard Bauer et Jean-Michel Roux publient La rurbanisation ou la ville éparpillée, s’ouvre par exemple une courte période d’intérêt pour cette forme de peuplement. Le développement du phénomène périurbain pousse à s’intéresser à la zone de tension entre le rural et l’urbain. Les bourgs et petites villes font ainsi l’objet de discussions lors d’un colloque à Lyon (1976) sur “Villes et campagnes XVe-XXe siècles”, à Rennes (1977) sur “La petite ville et son environnement rural”, à Bordeaux (1985) sur “Les petites villes du Moyen Âge à nos jours” et enfin à Montpellier (1988) sur “Les bourgs de la France méridionale à l’époque moderne”.

Depuis, les bourgs doivent majoritairement leur remobilisation à l’action publique. Dans les années 1990, dans un contexte de réflexion autour du maillage territorial et notamment des intercommunalités (loi de 1992), un groupe de recherche se constitue autour de Bernard Kayser et Jean-Paul Laborie dans le cadre d’une convention signée avec la Direction de l’espace rural et de la forêt au ministère de l’Agriculture. Deux thèses sur les bourgs (Jousseaume, 1996 ; Oger, 1996) et un colloque à Nantes en 1995 sont l’indice d’un renouvellement des questionnements. Depuis quelques années, un regain d’intérêt de la part de l’action publique pour les petites centralités rurales semble également faire émerger quelques travaux. Deux programmes nationaux “Revitalisons nos centres-bourgs” (2014) et “Petites villes de demain” (2020) amènent notamment les chercheurs à questionner les fragilités des bourgs et petites villes.

Si les bourgs n’ont pas fait l’objet d’une grande attention dans la littérature académique, c’est également parce qu’ils sont victimes d’un relatif « flou sémantique » (Jousseaume, 1998). Ils sont à ce titre très fréquemment associés par facilité aux villages ou aux petites villes (Mainet, 2008). L’une des raisons est à chercher dans la difficulté à les identifier avec d’éventuels seuils démographiques. En effet, au-delà de leur nature arbitraire (Édouard, 2012), ces seuils varieraient fortement selon la distance aux grands pôles urbains, la densité de population régionale, la superficie des limites communales et la structure de peuplement (Roncayolo, 1987 ; Paumelle, Verdier, à paraître). La construction de récentes définitions à partir de critères quasi-exclusivement fonctionnels, basées non plus sur le nombre d’habitants mais sur la présence d’équipements, commerces et services, ouvre cependant de nouvelles perspectives. Elle permet notamment d’interroger leurs évolutions et celles, plus largement, des campagnes contemporaines (Jousseaume et Talandier, 2016 ; Paumelle, à paraître). En proie à la vacance commerciale ainsi qu’à la fermeture de certains services publics, les bourgs sont par exemple au cœur des enjeux relatifs à l’accroissement des difficultés d’accès aux commerces et services élémentaires dans certains territoires ruraux (Taulelle, 2012, Baudet-Michel et al., 2019) et ce, dans un contexte d’augmentation du coût de la mobilité.

Anton Paumelle

 

-ACADEMIE FRANÇAISE, 1992, Le Dictionnaire de l’Académie française, 9e éd., Paris, Imprimerie nationale, vol.1, 582 p.
-BAUDET-MICHEL Sophie, FOL Sylvie et QUEVA Christophe, 2019, Villes petites et moyennes, évolutions et stratégies d’action. Évolutions nationales et analyses quantitatives, Caisse des Dépôts et Consignations - CGET.
-BAUER Gérard et ROUX Jean-Michel, 1976, La rurbanisation ou la ville éparpillée, Paris, Seuil, 192 p.
ÉDOUARD Jean-Charles, 2012, « La place de la petite ville dans la recherche géographique en France : de la simple monographie au territoire témoin », Annales de géographie, 2012, vol. 683, p. 25 42.
-JOUSSEAUME Valérie, 1998, « Des bourgs aux petites villes », Cahiers Nantais, 1998, no 50, p. 6.
-JOUSSEAUME Valérie, 1996, Les bourgs-centres à l’ombre d’une métropole : l’exemple de la Loire-Atlantique, Thèse de doctorat, Université de Nantes, Nantes.
-JOUSSEAUME Valérie et TALANDIER Magali, 2016, « Bourgs-centres et petites villes en France : méthode pour une base harmonisée de l’armature urbaine française », Territoire en mouvement, 2016, no 32, 17 p.
-LAROUSSE Pierre, 1867, Grand dictionnaire universel du XIXe siècle, Administration du grand Dictionnaire universel, Paris, vol.2, 1467 p.
-LE GOFF Jacques, 1980, Histoire de la France urbaine. La ville médiévale, des Carolingiens à la Renaissance, Seuil (coll. « L’Univers Historique »), t2, 656 p.
-LITTRE Emile, 1873, Dictionnaire de la langue française, Librairie Hachette., Paris, vol.1, 1016 p.
-MAINET Hélène, 2008, « Qu’est-ce qu’une petite ville ? Réflexions à partir d’études de cas », Bulletin de l’Association de géographes français, 2008, vol. 85, no 1, p. 13 22.
-MUSSET Lucien, 1966, « Peuplement en bourgage et bourgs ruraux en Normandie du Xe au XIIIe siècle », Cahiers de civilisation médiévale, 1966, vol. 9, no 34, p. 177 208.
-OGER Bruno, 1996, Les bourgs-centres de Vendée, détermination, fonctions, évolutions des pôles urbains primaires dans un espace rural dynamique, Thèse de doctorat, Université de Nantes, Nantes.
-PAUMELLE Anton, à paraître, « Vieillissement et attractivité migratoire des bourgs ruraux en France », L’Espace géographique, à paraître.
-PAUMELLE Anton et VERDIER Nicolas, à paraître, « Interroger les limites de l’urbanité : entre ville et village » dans Jacques Brun, Guy Burgel, Laurent Coudroy de Lille, Gilles Montigny et Marie-Vic Ozouf-Marignier (eds.), Marcel Roncayolo : sur les pas d’un géographe singulier, Parenthèses.
-PUMAIN Denise, 2006, « Bourg » dans Denise Pumain, Thierry Paquot et Richard Kleinschmager (eds.), Dictionnaire, la ville et l’urbain, Paris, Economica Anthropos (coll. « Villes »), p. 35 36.
-RICHELET Pierre, 1680, Dictionnaire françois, Genève, J.-H. Widerhold, 896 p.
-RONCAYOLO Marcel, 1987, « Population agglomérée, villes et bourgs en France : réflexions sur les enquêtes de 1809-1811 », Publications de l’École Française de Rome, 1987, vol. 96, no 1, p. 201 220.
-SHEN Shiwei, 2014, Les vieux villages chinois : évolution, patrimonialisation et mise en tourisme, Thèse de doctorat, Université d’Angers, Angers.
-TAULELLE François, 2012, « Ce que nous avons vu en matière de services publics dans les quatre pays de l’étude : le délaissement du territoire », Sciences de la société, 2012, vol. 86, p. 5 13.