Etagement
La notion d’étagement est utilisée en montagne pour rendre compte des discontinuités liées à l’altitude. Elle a donné lieu à de multiples «représentations» iconographiques, dont les principales se manifestent sous forme de bloc-diagramme et de coupe.
Au départ ce sont des botanistes qui ont défini les mécanismes de fonctionnement de l’étagement en montagne. Les critères appliqués à la végétation sont d’ordre physionomiques et phytogéographiques (C.Troll). L’étagement de la végétation repose sur les effets climatiques induits par l’altitude sur la physiologie des espèces végétale, voire sur l’absence de vie végétale (étage nival), en faisant ressortir sur des dénivelés d’amplitudes variables les limites inférieures et supérieures tolérables pour une plante. On peut ainsi observer un découpage des versants montagneux en ceintures végétales superposées : étage collinéen, montagnard, subalpin, alpin et nival qui se présentent sous des combinaisons variables selon les «latitudes» et les massifs. Longtemps l’approche de la notion d’étagement a été soumise à ce modèle proposé par les botanistes.
Pour comprendre l’organisation verticale des espaces montagnards, on doit ajouter à cet étagement bioclimatique un étagement morphodynamique reposant sur le type de morphogénèse dominante et dans lequel les discontinuités se manifestent plus graduellement. On passe, du bas vers le haut, de «processus» météoriques à dominante chimique à des processus mécaniques dominés par la gravité et le gel (P.Birot, J.Demangeot). On distingue classiquement et successivement les étages de la moyenne montagne, du périglaciaire et enfin l’étage glacio-nival. Entre ces niveaux existent des «interactions» morphodynamiques (éboulis, avalanches, coulées boueuses) qui interdisent de considérer leur fonctionnement de manière séparée.
Aujourd’hui, les conceptions de l’étagement conçu comme une succession de bandes altitudinales homogènes sont remises en question. (F.Alexandre, M.Lecompte). Ces auteurs soulignent l’apparent décalage entre la variation des conditions climatiques évoluant sous forme de gradients linéaires et l’organisation en bandes successives homogènes dans le modèle classique de l’étagement. Les modalités du passage d’un étage à un autre se réalisent par des zones de transition du type écotone. Ils soulignent également la nécessaire prise en compte du rôle des sociétés montagnardes dans la composition floristique des formations végétales aussi bien dans leurs spécificités locales que dans leur processus d’homogénéisation.
Du domaine botanique ce principe de découpage altitudinal de la «montagne» a ensuite été appliqué à l’analyse des mises en valeur agricole des montagnes des différentes latitudes ou aux «localisations» des stations de sports d’hiver et de leurs domaines skiables dans les pays industrialisés. L’observation des corrélations entre les besoins physiologiques de certaines plantes cultivées (blé, riz, maïs ou café) et les répartitions altitudinales des communautés montagnardes a conduit des auteurs à parler » d’étage utile » (J.Gallais) pour qualifier les espaces occupés par certains groupes humains. Confrontés à des franchissements de «seuils» démographiques et à des facteurs exogènes, ce schéma de spécialisation altitudinale est parfois remis en cause. La capacité d’adaptation à d’autres schémas culturaux, et la souplesse agronomique des plantes vivrières disponibles constituent autant de solutions alternatives face aux situations de blocage et de pression sur les «ressources» (Népal). Dans d’autres cas, des groupes répondent aux besoins de terres en » colonisant » d’autres «terroirs» (Cameroun), ce qui génère aussi parfois des conflits d’usages avec des éleveurs.
Se combinant avec cette relative stabilité des usages culturaux des étages dans certains massifs, existent ailleurs, parfois uniquement à l’état résiduel, une mobilité pastorale saisonnière entre les niveaux montagnards. Dans quelques cas extrêmes (cas du val d’Anniviers dans le Valais étudié par J.Brunhes), une mobilité résidentielle quasi-permanente existait tout au long de l’année. La transhumance entre les bas-pays et les hauteurs, ou bien la montée estivale des troupeaux sur les alpages, ces « remues » pratiquant la « petite » ou la « grande » montagne, ont pu représenter ou représentent encore des exemples d’utilisation de la complémentarité des terroirs en relation avec les phénomènes d’étagement.
-voir aussi: dynamique des versants, biome