Politique de la Ville

La Politique de la Ville est une des formes d’action publique de ce que l’on nomme les politiques urbaines (Fijalkow, 2009). Elle s’attache au traitement urbanistique et social des grands ensembles de logements locatifs sociaux construits dans les années 1950-1960 et à des «quartiers» anciens vétustes de centre ville où les problèmes sociaux liés à la précarité de l’emploi se cumulent avec des difficultés familiales, éducatives et de santé notamment pour les populations immigrées ou issues de l’immigration. Son intitulé et sa démarche s’inscrivent dans une « tradition » française d’interférence entre la recherche urbaine et le débat politique (encadré 1) accentuée notamment dans la période récente (encadré 2). Trois problématiques de recherche se rattachent à la Politique de la Ville -1- La première est de nature méthodologique et épistémologique. La focalisation des actions sur un ou plusieurs quartiers pose des questions d’échelle (Sueur, 1998). Si les phénomènes d’exclusion concernent des quartiers bien définis, leur résolution ne peut consister à uniquement s’attacher à ceux-ci mais à s’interroger sur le fonctionnement de l’agglomération dans son ensemble (marché du logement, marché de l’emploi, transport, question scolaire). De plus, il n’est pas certain que la territorialisation de la question sociale soit le bon angle d’approche. En effet, s’il faut se garder de l’idéologie urbanistique traditionnelle selon laquelle une « bonne forme » spatiale peut corriger les problèmes sociaux le traitement spatial de la lutte contre l’exclusion, qui est au cœur de la démarche de la politique de la ville, mérite interrogation (Baudin et Genestier 2002). -2. La seconde renvoie aux mécanismes sociaux et spatiaux de la paupérisation. La théorie des « effets de «voisinage» » partage les chercheurs entre ceux qui infèrent que la concentration spatiale de problèmes spatiaux en entraîne d’autres plus graves et pèsent sur les trajectoires individuelles (Maurin, 2004) et ceux qui soulignent la capacité d’organisation et de solidarité des quartiers pauvres (Kokoref 2003). Certains dénoncent donc « le ghetto Français » (Maurin, 2004), et décrivent des dispositifs de fermeture (Lapeyronnie, 2008) tandis que d’autres relativisent le handicap que constituerait l’absence présumée de mobilité des pauvres (Fol, 2009). Inspirés par ces recherches, les pouvoirs publics peuvent développer des « politiques de déségrégation », visant à disperser les concentrations de pauvreté pour permettre aux personnes défavorisées d’optimiser leurs chances, ou des politiques de «développement local»l visant à renforcer les structures sociales locales. Or, si les pouvoirs publics investissent beaucoup dans la programmation d’équipements destinés aux habitants, les démarches participatives sont trop peu nombreuses et n’accordent pas assez de crédit aux groupes locaux susceptibles de s’organiser (rapport Bacqué Mechmache 2013 1). -3. La troisième interroge les objectifs de l’action publique à travers la manière dont elle apprécie ses résultats. L’évaluation de la Politique de la Ville, menée par l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles2 consiste à comparer les statistiques des quartiers avec le reste de leur agglomération. Elle s’inscrit donc dans une perspective de « correction » par rapport à une norme moyenne qui va de pair avec l’objectif de favoriser la mixité sociale pour lutter contre la ville fragmentée, le communautarisme et la pauvreté (Tissot, 2007). Cependant, le bilan de la politique de relogement des populations mise en place par l’ANRU permet de redouter une réduction de l’offre de logements spacieux et bon marché pour les familles modestes (Lelèvrier, 2008). Cette dynamique appelle à étudier les dynamiques locales et les jeux d’acteurs qui conduisent à de tels résultats. En effet, sur le terrain, l’animation de la politique de la ville s’illustre par des réseaux d’acteurs et une gouvernance locale. Les équipes d’animation dirigées par un Chef de projet doivent dans les quartiers mobiliser les partenaires et les financements autour de projets collectifs (Epstein, 2013) mais les actions d’animation menées sur les sites de la Politique de la ville peuvent s’avérer contradictoires avec les objectifs de l’ANRU (Dietrich Ragon et Fijalkow, 2013).

Documents joints

Notes

  1. http://www.resovilles.com/pages/posts/le-rapport-bacque-mechmache-sur-la-participation-des-habitants-remis-a-francois-lamy343.php
  2. http://www.ville.gouv.fr/observatoire-national-des-zus
 

BIBLIOGRAPHIE

-Baudin G. et Genestier Ph (dir) (2002) Banlieues à problèmes : la construction d’un problème social et d’un thème d’action publique, La Documentation française, 252 p.
-Blanc M. (2006) « Politique de la ville et Soziale Stadt, une comparaison franco-allemande »Pensée plurielle 2006/2 - no 12
-Colomb C. (2006) « Le new labour et le discours de la « Renaissance urbaine » au Royaume-Uni. Vers une revitalisation durable ou une gentrification accélérée des centres-villes »Sociétés Contemporaines 2006/3 - n° 63
-Dietrich P. et Fijalkow Y., (2013), « On les aide à partir, le relogement comme révélateur des contradictions du développement social dans le cadre de la rénovation urbaine », Espaces et Sociétés, 155, tome 4, pages 113-128
-Donzelot J. (2003), Faire société : la politique de la ville aux États-Unis et en France, Éditions du Seuil
-Donzelot J. et Estèbe Ph. (1994) L'État animateur : essai sur la politique de la ville, Esprit,
Epstein R. (2013) La Rénovation urbaine ; Démolition-reconstruction de l’État, coll. « Académique », éd. Presses de Sciences-Po
-Fijalkow Y., « Politiques urbaines» in Traité sur la ville, Stebe J-M et Marchal H. (ed), Presses Universitaires de France, pages 153-205
Fol, S. (2009), La mobilité des pauvres. Pratiques d'habitants et politiques publiques, Belin,
-Gaudin J-P (1993) Les nouvelles politiques urbaines, Que sais-je, PUF,
-Kokoreff, M. (2003) La force des quartiers. De la délinquance à l’engagement politique. Paris, Payot, 2003, 349 p.
-Lapeyronnie D. (2008) Ghetto urbain. Ségrégation, violence, pauvreté en France aujourd'hui, Editions Robert Laffont
-Lelèvrier ch. (2010) « La mixité dans la rénovation urbaine : dispersion ou re-concentration ?” Espaces et Sociétés, 1-2, 140-141, pages 57-74
Maurin E. (2004) Le ghetto français, enquête sur le séparatisme social, La République des Idées, Le Seuil
-Oberti M. et al (2009) « Ce que Sciences Po fait aux lycéens et à leurs parents : entre méritocratie et perception d’inégalités : enquête dans quatre lycées de la Seine-Saint-Denis », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 180, pages 102 à 124,
-Sueur J-P (1998) Demain la ville, La documentation Française
-Sutton, S (2008), Urban Revitalization in the United-States: Policies and Practices, Graduate School of Architecture, Planning and Preservation, Columbia University
-Tissot S. (2007) L’État et les quartiers. Genèse d’une catégorie d’action publique, Seuil