Biodiversité
Le terme de biodiversité résulte de la contraction de l’expression « biological diversity » à la fin des années 1980. Cette contraction n’est pas simple commodité. Elle reflète le passage d’une approche avant tout naturaliste à une conception holiste qui englobe l’ensemble du vivant. La diversité biologique c’est la diversité des gènes, des espèces et des écosystèmes envisagés non seulement sous l’angle de leur classification mais aussi sous l’angle de leurs structures et des relations qui les unissent. L’approche est ici très biocentrée et vise à décrire et expliciter la multiplicité des formes du vivant. Avec l’émergence de la biodiversité le sujet se déplace progressivement sur le terrain social et politique (Bredif & Christin, 2012) celui du lien qui unit les sociétés au vivant. Le terme de biodiversité est en effet étroitement lié non seulement à la crise qui affecte aujourd’hui un grand nombre d’espèces animales et végétales mais aussi aux interrogations qui se font jour quant aux relations des sociétés humaines avec le vivant non humain. La crise de la diversité biologique par delà les conséquences écologiques qu’elle entraine (disparition d’espèces et d’habitats, moindre résilience des écosystèmes…) est aussi une crise du rapport des sociétés à la « Nature ». Les processus qui rendent compte de la perte de biodiversité (perte d’habitats, fragmentation des écosystèmes, pollution, augmentation du nombre d’espèces invasives ou encore réchauffement climatique) renvoient non seulement à des processus économiques qui font du vivant une «ressource» (que l’on peut donc exploiter voire surexploiter) mais plus fondamentalement encore à une conception du monde qui cloisonne l’humain et le non humain.
Cette approche de la diversité du monde vivant au prisme de la crise qui l’affecte a conduit bon nombre de chercheurs à travailler sur les enjeux sociaux de la biodiversité. Pour mieux souligner ce lien entre sociétés humaines et biodiversité les chercheurs de différentes disciplines ont axé leurs travaux sur la notion de services écosystémiques destinée à mettre en évidence le coût (économique le plus souvent mais aussi social) que représente la perte actuelle de biodiversité. Les services écologiques (qualité de l’air, de l’eau, stockage du carbone…), les services d’approvisionnement (fourniture de bois, de produits pour les industries pharmaceutique et cosmétique, biomimétisme…) ou encore les services culturels (loisirs, connaissance etc..) ont ainsi été évalués, sous pesés pour en montrer l’importance… sans que pour autant l’érosion actuelle de la biodiversité ne faiblisse. Dans le même temps les travaux d’écologie ont mis en évidence la globalité du problème écologique. Si l’on s’est pendant longtemps fixé sur la protection d’espèces emblématiques, de milieux remarquables les travaux d’écologie ont bien montré que la biodiversité ordinaire, celle qui n’est ni labellisée ni particulièrement protégée, est indispensable au maintien des processus écologiques fondamentaux et notamment à l’indispensable mobilité des espèces et des gènes. L’accent mis sur cette « nature ordinaire (Godet, 2010), sur cette « biodiversité ordinaire » (Bredif & Simon, 2014) est un élément qui conduit à repenser nos modes de protection et de conservation (Mathevet & Godet, 2015). La protection ne saurait plus se limiter à des espaces sanctuarisés, même conçus en accord avec les populations locales. Ce sont nos modes de développement, nos modes d’habiter (Simon, 2015) et plus globalement notre relation au vivant, « ce lien qui nous oblige » (Mathevet, 2012) qui deviennent les dimensions politiques centrales du problème que pose l’érosion de la biodiversité. En insistant sur la dimension territoriale de la biodiversité, sur les spécificités des contextes dans lesquels se situent ces rencontres du vivant entre l’humain et le non humain (Mounet, 2007 ; Mauz, 2005, Raymond, 2015) les sciences sociales, la géographie notamment, proposent une approche qui permet de penser « la coévolution entre un groupe social et son «environnement» » (Marris, 2012). Ce sont ainsi de nouveaux territoires qui s’ouvrent à la problématique de la biodiversité, dans les espaces ruraux mais aussi dans les territoires urbains et périurbains ou encore le long des grandes infrastructures de transport Arnould et al, 2011 ; (Clergeau & Blanc, 2012 ; Pech, 2010 ; Simon & Raymond, 2015).
Laurent Simon
voir aussi: «biosphère», «espace naturel protégé», «anthroposystème»,